vendredi 10 septembre 2010

Eurêka... j'ai pas trouvé.

“It's a dangerous business, going out your door. You step onto the road, and if you don't keep your feet, there's no knowing where you might be swept off to." Bilbo Baggins.

Nous voilà prévenus, nous qui sommes sur le point de prendre la route et de quitter Paris pour Orléans!

Après 17 ans passés dans notre belle capitale, je suis donc sur le point de retrouver la ville où eut lieu ma seconde naissance, il y a vingt ans de cela, le jour où je découvris l'existence du jeu de rôle.

Et bien sûr, ma première visite fut pour Eurêka. J'avais gardé de cette échoppe le souvenir d'un sous-sol sombre, empli de tomes aux couvertures aussi mystérieuses qu'évocatrices: les manuels d'AD&D, bien sûr, mais aussi la boîte de Féerie avec ses allures de coffre au trésor ou l'étrange livret qui promettait de nous révéler les Rêves des Dragons...

En guise de caverne d'Ali Baba, j'ai trouvé une boutique aussi lumineuse, fonctionnelle et chaleureuse qu'une charcuterie qui, comme la plupart de celles que j'ai visité en dehors de Paris et de Marseille, ne contient plus que quelques maigres rayonnages consacrés à notre hobby. Evidemment, ce serait bien pire si j'avais été fan de Wargames...

Bien sûr, je connais les raisons de cette disparition progressive des boutiques de JDR: développement de la vente par Internet (sous forme PDF et papier), multiplication des titres (et des éditions) peu propice à la bonne gestion des stocks, caractère toujours aussi aléatoire des sorties etc. Comme beaucoup de joueurs, j'ai une part de responsabilité dans cet état de fait puisque la plupart de mes achats se font aujourd'hui sur Internet (le fait que les suppléments que je recherche soient souvent vieux de 10 ou 15 ans n'arrange sans doute rien à la chose).

Mais ce sont moins les boutiques elles-mêmes que je regrette que l'espace de rencontre et de discussion qu'elles constituaient. A l'époque, il suffisait de pousser la porte d'un relais Descartes pour discuter pendant des heures des mérites de l'Unearthed Arcana, faire une partie de démonstration ou même recruter une équipe de nouveaux joueurs.

Je me suis longtemps demandé si la dilution de nos références dans la pop-culture (films, livres, MMORPG etc.), en nous faisant sortir du ghetto, ne nous avait pas également fait perdre ce sens de la communauté. Certes, il peut paraître paradoxal de le regretter après avoir tant déploré la diabolisation dont nous faisions l'objet (je me rappelle encore ma stupeur en apprenant rétrospectivement que ma mère avait appelé un psychiatre pour savoir si le JDR pouvait être considéré comme un passe-temps dangereux!!!). Et pourtant...

Pourtant, il y avait dans l'idée que nous étions "seuls contre tous" quelque chose d'exaltant. Qui n'a pas alors éprouvé un malin plaisir à multiplier les références obscures en présence de non-initiés? Qui ne s'est pas secrètement réjoui de l'aura sulfureuse qui nous entourait? Mais à l'heure de World of Warcraft et de la trilogie du Seigneur des Anneaux, notre passe-temps semble aussi dangereux et mystérieux que le Monopoly ou le Jeu de l'oie... Et parler d'elfes, de points de vie ou de sorts de troisième niveau n'a plus rien de cryptique.

Etait-ce une raison suffisante pour laisser nos boutiques, nos clubs, nos associations et nos tournois disparaître? Je ne le crois pas et j'en veux pour preuve le fait que, sur Internet, les réseaux de rôlistes n'ont jamais été si actifs. Il suffit de lire les pages de discussion sur RPGnet, de fréquenter les blogs des joueurs de l'OSR, de se rappeler l'émoi généré par la disparition (temporaire, dieu merci!) du GROG. Jamais on n'a autant parlé de JDR qu'aujourd'hui. Jamais on a autant échangé d'aides de jeu, de feuilles de personnage, de scénarios, d'illustrations et même de jeux gratuits.

Ce qui nous fait défaut, en fait, ce n'est peut-être pas tant le sens de la communauté que les structures qui lui permettraient de s'exprimer en dehors de la toile. Et si les boutiques ne sont plus le lieu naturel de cette résurrection, il ne tient qu'à nous de trouver de nouveaux espaces pour nous retrouver et partager notre passion pour ce hobby que je ne cesse de redécouvrir avec autant de fascination que lorsque je poussais le porte d'Eurêka, il y a vingt ans de cela...

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